Est de Eugène Savitzkaya
présentation
texte : Eugène Savitzkaya (Editions Le Fram)
mise en scène : Sébastien Derrey
avec : Catherine Jabot
son : Alain Mahé
lumière : Rémi Godfroy
scénographie : Sébastien Derrey
costumes : Elise Garraud
régie son : Julienne Havlickova-Rochereau
administration : Silvia Mammano
production : migratori K merado | coproduction : les Ateliers Contemporains | coréalisation : Théâtre l’Echangeur à Bagnolet; Anis-Gras à Arcueil.
remerciements à Carole Paimpol
résidences et présentations à Naxos Bobine, Paris ; Montévidéo, Marseille ; le Théâtre Océan Nord, Bruxelles; Ramdam, Sainte-Foy-Lès-Lyon
création le 7 avril 2005 au Théâtre de l’Echangeur, Bagnolet
durée : 1 h 05
L’écriture en spirale doit faire fonction de tourbillon perpétuel et attirer dans son aire, dans sa trombe tout ce qui demeure en suspens, poussière, images, sables, neiges, sangs et cauchemars, ainsi que les feuilles du figuier, et comme le duvet des oies.
Eugène Savitzkaya
Des questions se déploient, se transforment, passent les unes dans les autres, s’engendrent et se contredisent, échangeant syllabes et phonèmes, allitérations et assonances. Comme un milliers d’hommes qui se parlent dans une ville insurgée.
Chaque question, unique, ne peut être que répétée, et disparaître pour laisser la place à une autre question. Aucune réponse ne vient. C’est l’entêtement de la question, son obstination, son travail d’usure.
Le choix d’une seule actrice, une figure solitaire, permet une sorte de « grossissement », un travail à la loupe sur les phénomènes de la répétition à l’œuvre dans le texte. Il s’agit d’éprouver concrètement la répétition, comment elle fatigue le corps, la voix, et de guetter la transformation. A partir de ce seul repère, qu’on suit du début à la fin, on rentre peu à peu dans une complexité intime, et la figure unique se divise et se multiplie, se « perd » en distribuant les questions. Nous avons cherché un dialogue permanent entre l’actrice et le travail du son. La voix de l’actrice est captée en direct, traitée numériquement et rediffusée. L’actrice joue avec l’écho malaxé et démultiplié de sa propre voix.
Petit à petit on arrive à anticiper les questions, à les imaginer, à en entendre d’autres, à entendre presque la question contraire contenue dans celle qui est énoncée. Et chacun écrit de nouvelles séries de questions. Reprend pour soi le mouvement. Rotations, tournoiements, gravitations, spirales, danses sur place.
Il s’agit de s’étonner, de revenir à l’étonnement. A la capacité d’étonnement pour la plus petite chose, pour la plus petite question.
Questions lancées contre le ciel, comme des éclairs, et qui rebondissent sur la terre. Pluie de questions, averse ou bruine.
Car les questions sont faites de la répétition d’autres questions, comme elles sont faites d’air, d’eau, de sang, d’étoiles, et de la croissance de l’herbe, du vide, de la poussière, de la guerre et de la migration des hommes, de tout ce tissu commun auquel chacun arrache des lambeaux, de toi, de nous, d’elle, de moi, de qui ?
Sébastien Derrey
êtes-vous?
êtes-vous vraiment?
êtes-vous sans discontinuer?
êtes-vous en naissant?
êtes-vous pour la vieillesse?
la vieillesse est-elle le contraire de la jeunesse?
la vieillesse est-elle contre la jeunesse?
la jeunesse est-elle contre la vieillesse?
êtes-vous contre vos vieilles?
êtes-vous avec vos vieux?
êtes-vous si vieilles?
vieillirez-vous avant moi?
depuis quand as-tu vieilli?
as-tu vieilli subitement?
qu’est-ce qui vous fait vieillir?
es-tu pleine de remords?
es-tu plein de vin?
es-tu adepte du remords?
quel serpent t'a mordu?
qu'as-tu remordu?
es-tu un mordu du remords?
que mords-tu et remords-tu?
quel hameçon as-tu mordu?
qui tient la ligne de l'hameçon que du mords et remords?
le remords t'apporte-t-il de la joie?
le remords t'apporte-t-il de la peine?
le remords te remplit-il de honte?
combien contiens-tu de honte?
as-tu honte de ton corps?
as-tu honte de ton sang?
as-tu honte de ton sexe?
as-tu honte de ton émoi?
ton émoi te trouble-t-il?
que trouble ton émoi?
es-tu émue honteuse ou honteuse émue?
es-tu plein d'émotion honteuse?
as-tu honte de gonfler et de mouiller?
as-tu honte de bander?
as-tu honte de ta joie?
as-tu honte de ta glaire cervicale?
comment se portent vos nerfs honteux?
le sang qui court dans vos artères honteuses est-il honteux?
êtes-vous honteuses de votre flux menstruel?
êtes-vous pleines d'allégresse?
allégresse ou hardiesse?
liesse de fesse ou liesse de ventre?
où te mène ta hardiesse?
te mène-t-elle à l'ivresse?
serait-ce donc que l'allégresse mène à l'ivresse?
serait-ce donc que l'ivresse délivre de la sagesse?
serait-ce?
serait-ce toi que l'ivresse délivra?
l'ivresse nous délivre-t-elle du temps?
le temps refroidira-t-il notre ivresse?
devrons-nous délivrer notre bile?
devrons-nous délivrer notre sang?
combien de litres de sang contiens-tu?
as-tu du sang à vendre?
ton sang t'appartient-il?
es-tu redevable au gouvernement fédéral du sang qui te parcourt?
es-tu sanguin?
es-tu libre de ton sang?
es-tu maître de ton sang?
es-tu libérale de ton sang?
qui profite de des libéralités de ton sang?
ton sang te rattache-t-il à tes morts?
ton sang participe-t-il à l'allégresse générale?
ton sang participe-t-il de la joie commune?
ton sang est-il ton seul bien?
ton sang est-il ton seul bien en ce monde?
qui bénéficie de ton sang?
vers où coule ton sang?
fais-tu couler le sang?
de qui fais-tu couler le sang?
faites-vous couler le sang des agneaux?
faites-vous couler le sang du bouc?
faites-vous couler le sang de vos voisins?
êtes-vous pour le sang qui coule?
êtes-vous pour que le sang coule?
connais-tu la houle?
connais-tu la houle océanique?
que connais-tu de la houle océanique?
que connais-tu de l'océan?
que connais-tu?
vieillissez-vous comme les arbres?
Eugène Savitzkaya, Extrait du texte : questions 242 à 327
historique
2009
le 29 octobre : Lecture à l’hôpital Albert Chenevier, Arcueil, Festival Théâtre à l’hôpital, "les illusions de l’âme".
2007
du 21 au 27 mars à Anis Gras, Arcueil
le 2 mars à Ramdam, Sainte-Foy-lès-Lyon, après une résidence de travail
2005
du 7 au 16 avril à l’Echangeur, Bagnolet
le 10 mars à Montévidéo, Marseille, à la suite d’une résidence de travail
2004
Lectures publiques du 7 au 10 mai 2004 à Naxos Bobine, Paris
Première lecture publique en février au Théâtre Océan-Nord, Bruxelles