Célébration d’un mariage improbable et illimité, de Eugène Savitzkaya
présentation
texte : Eugène Savitzkaya
(d’après la version manuscrite)
conception : Sébastien Derrey
mise en scène et orchestration : Sébastien Derrey, Frédéric Tétard
avec : Bruno Blondel, Séverine Batier, Serge Cartellier,
Catherine Jabot, Lionel Monier, Pascale Nandillon
lumière : Frédéric Tétart
son : Alain Mahé et Kamal Hamadache
administration : Silvia Mammano
diffusion : Laure Pointeau
production : migratori K merado | Coproduction : ARCADI, avec l’aide à la création dramatique de
la DMDTS, l’aide à la production du DICREAM, et le soutien de l’ADAMI
coréalisation : migratori K. merado, le Théâtre de l’Echangeur à Bagnolet et Anis-Gras à Arcueil
résidences à Ramdam, la Fonderie, le Mans ; le Petit 38, Grenoble et aux Laboratoires d’Aubervilliers.
création : le 12 avril 2006 au Théâtre de l’Echangeur, Bagnolet
durée : 2 h
J'ai découvert l'œuvre d'Eugène Savitzkaya un peu avant l'an 2000, en tombant par hasard sur le manuscrit de Célébration d'un mariage improbable et illlimité. Il n'y avait pas encore à l'époque de version publiée de ce texte, alors que plusieurs traductions italienne, anglaise et grecque circulaient (la version formellement la plus proche de la matrice originale sera publiée en 2007 sous le titre Nouba). Outre la forme et la profusion de cette écriture, ce qui m'a le plus touché c'est la sorte de perception sauvage dans laquelle elle se développe. Il y a en jeu comme la recherche d'un rapport primitif au monde et au langage. Savitzkaya tente d'épouser la réalité dans ses plus petits fragments, dans la variété infinie de ses formes. Réalité qui sans cesse se modifie et se recompose et qu'il faut donc à chaque instant répéter et inventorier. Mais derrière le chaos et les débordements de la parole en constante métamorphose, il y a aussi la sensation impressionnante que quelque chose toujours se dérobe et nous rend au silence.
Nous avons commencé à travailler sur Célébration en 2002 et sur Est en 2004, en différentes étapes, de manière très espacée. Eugène Savitzkaya a toujours accompagné ces étapes avec bienveillance et générosité.
Le texte de Célébration est né d’un toast que le poète porta à l’occasion d’un mariage haut en couleurs. Puis les mots prononcés devinrent un poème. « Le poème en mûrissant ne pouvait être contenu dans une page et se manifesta dans l’air, cherchant la salive et la bouche des êtres vivants. » L’écriture se déploya sur de grandes pages en une partition polyphonique à plusieurs voix se faisant contrepoint, sans qu’une ligne narrative ne s’impose. Positive, lyrique et amoureuse, la parole cherche à susciter l’ivresse par l’audition d’un ensemble de voix qui s’enchevêtrent en un tissu sans cesse mouvant et fluctuant. Le spectateur est invité à écouter et regarder à la lisière de ce monde qui se modifie et se recompose perpétuellement devant ses yeux et ses oreilles, et, libre de choisir, à recomposer de là où il est, une harmonie et une cohérence là où tout n’est parfois que chaos apparent et combines de survie.
Sébastien Derrey
La Célébration d’un mariage improbable et illimité se déroule pendant la cinquième nuit de la disparition du monde qui met six jours et six nuits à disparaître afin de se régénérer. Cette nuit-là est nuit de noce et de carnaval car est tentée, au cours d’une fête mémorable, la fusion du principe féminin et du principe masculin, l’union des espèces, des langues et des cultures, chacun apportant son pain, son vin, son chou, son kif, son eau-de-vie et son fromage et mettant en commun ses attributs, ses contes et ses blagues. Deux tribus tentent l’union par la glaire cervicale et par le sperme, par le sang et par la peau, par la salive et les vocables surgis de la profondeur des ventres contenant les mêmes ferments. Cette nuit-là est tentée l’union du ciel et de la terre, du vide et du plein, de la matière et de l’inconsistance. Mais toute fête réussie est une fête menée jusqu’aux pires excès, toute parole née du chaos retourne au chaos. Cependant, tout cheminement vers le chaos, c'est-à-dire vers le renouvellement, exige pour être bien mené une organisation précise, une gymnastique bien réglée des gestes et des paroles, beaucoup de clarté et de pureté dans l’outrance.
Eugène Savitzkaya
historique
les 27 et 28 octobre à Anis Gras, Arcueil
du 20 avril au 6 mai au théâtre l’Echangeur, Bagnolet
2005
résidence en octobre au Petit 38 de Grenoble
présentation publique le 14 mars au Centre Wallonie-Bruxelles, à Paris, après une résidence aux Laboratoires d’Aubervilliers
2002
Sébastien Derrey entreprend un chantier de théâtre autour de l’œuvre d’Eugène Savitzkaya, en réunissant un groupe mixte d’amateurs et de professionnels.
Ce chantier aboutira à une série de lectures publiques du manuscrit de Célébration d’un mariage improbable et illimité, en présence d’Eugène Savitzkaya
photos
presse
On louera le très beau travail de Sébastien Derrey, créé à l’Echangeur cette année, à partir d’un texte d’Eugène Savitzkaya, Célébration d’un mariage improbable et illimité. Les filiations théâtrales sont invisibles, entre Régy et François Tanguy, mais l’objet s’impose au-delà d’elles. De Tanguy resterait peut-être la défiance du sens, l’utilisation du son comme mouvement, le goût pour une pensée autonome des éléments du théâtre. peu de spectacles ce mois-ci ont eu autant de caractère. On pourrait résumer, énigmatiquement, l’objet du texte de Savitzkaya avec l’aphorisme de Lacan, qu’ « il n’y a pas de rapport sexuel ». D’où la parole, en l’espèce, fort abondante. Ce qui met en valeur d’autant le travail des acteurs. Celui de Catherine Jabot est le plus remarquable et sa place de figure centrale dans le dispositif est très heureuse.
Regards, Diane Scott, été 2006 (Version Jpg)